lundi 20 avril 2015

Lettre ouverte à ma "psy"

Plus précisément, lettre à mon ancienne psychothérapeute qui m'a suivie de 2000 à 2008. Au début de ma thérapie je souffrais de dépression, phobie sociale, anxiété généralisée, troubles du comportement alimentaire... J'ai arrêté les séances peu de temps après avoir trouvé mon premier emploi.

Aujourd'hui, je recontacte ma "psy" par lettre:


Madame ...,

Vous vous souvenez probablement que je vous avais appelée fin 2012 afin de vous demander ce que vous pensiez de la possibilité que j'ai une forme légère d'autisme (le Syndrome d'Asperger, sans retard de langage ni retard intellectuel).
Par la suite, j'ai effectué plusieurs démarches au près de différents professionnels. Le parcours a été laborieux mais il a débouché récemment sur l'obtention d'une RQTH.
Pour information, je me permets de vous faire parvenir quelques éléments de mon "dossier": copie de deux pages extraites de mon bilan psychométrique fait chez Mme R., neuropsychologue à Chambéry; copie du certificat médical rempli par le Dr G. d'Aix En Provence pour la demande de RQTH et copie de la décision de la MDPH.

Par ce courrier, j'aimerais vous encourager à vous informer sur l'autisme. Les autistes, enfants et adultes, "typiques" à "légers" sont loin d'être tous diagnostiqués et certains sont porteurs de diagnostics erronés ou incomplets (psychose, dépression, trouble anxieux, trouble du comportement alimentaire...).
L'autisme est un trouble neurodéveloppemental. Il peut être considéré comme une simple différence, un "neuroatypisme" (accompagné de toutes sortes de comorbidités: trouble de l'humeur et du comportement, épilepsie, TDAH, troubles gastro-intestinaux...*): beaucoup d'autistes préfèrent le considérer comme une façon d'être plutôt que comme une pathologie. Quoi qu'il en soit, il reste souvent un handicap pour beaucoup, dans notre société où tout doit aller vite et où l'atypisme est plus souvent considéré comme une déviance que comme une force.
Dans la plupart des cas, un diagnostic aussi précoce que possible, une "reconnaissance" de cette différence permet d'accéder à des prises en charge adaptées et surtout à une meilleure compréhension et acceptation de soi (et de l'autre).
On compte environ 1% d'autistes en France et quelque chose me dit que cette proportion pourrait être plus importante dans la clientèle des psychothérapeutes et psychologues. Les autistes peuvent souffrir de "névroses" (et autres problèmes "psy"), comme tout le monde, mais leur "noyau autistique" - pour reprendre un terme que vous aviez employé, lui, n'est pas une névrose! C'est le coeur de leur être, de leur neurologie, c'est leur façon de percevoir, d'expérimenter, de ressentir et de penser le monde et celle-ci n'est pas défectueuse mais atypique, source de fragilités autant que de talents.

La psychothérapie que j'ai suivie avec vous est loin d'avoir été inutile. Avec vous j'ai appris à mieux m'exprimer, à discuter en tête à tête avec quelqu'un, à mieux reconnaître et analyser mes émotions et sensations, notre échange m'a permis de soigner et cicatriser de nombreuses blessures, il m'a aidée à apprivoiser l'autre, à calmer mes peurs... Seulement je reste persuadée que l'échange m'aurait permis d'avancer plus vite et peut-être plus "loin" (à moindre coût!) si j'avais eu en face de moi une personne formée à l'autisme.
A l'époque, en 2000, l'information sur le sujet était encore difficile à trouver, surtout en France. Aujourd'hui, c'est différent, même si la France reste à la traîne comparée aux pays anglo-saxons ou scandinaves. Il existe non seulement de nombreux ouvrages sur le sujet (voir ceux de Gepner, Attwood, Grandin, Schovanek, Horiot...) mais aussi des formations professionnelles dispensées par des structures compétentes, comme les CRA (via par exemple le CESA à Chambéry) ou les associations (comme Autisme Eveil en Haute-Savoie).

Et il y a aussi ce qu'on appelle le "biomédical", qui permet de traiter les "comorbidités" de l'autisme. Début 2013 j'ai repris des études, je suis actuellement en troisième année de naturopathie à Natur'Alpes, à Aix-Les-Bains et je prévois d'écrire mon mémoire sur l'autisme.
Au moment de choisir ma formation en 2012, j'ai hésité un moment entre naturopathie et psychothérapie. J'ai opté pour la naturopathie car, ces dernières années, mon expérience personnelle m'a permis de constater que sans une prise en charge du corps (sur le plan physiologique), l'esprit ne peut s'épanouir au mieux. Vous vous souvenez peut-être qu'en séance nous revenions souvent sur cette mystérieuse tristesse qui m'habitais depuis la petite enfance? Eh bien en 2011 cette tristesse a fondu comme neige au soleil quelques mois après que j'ai arrêté de consommer du blé. L'esprit et la psychologie peuvent beaucoup... mais pas tout!

Enfin, je me permets de faire de cette lettre une lettre "ouverte" postée sur mon "blog étudiant", dans le respect total de votre anonymat. En tant qu'autiste ayant développé un petit côté "activiste" et en tant que future naturopathe, j'estime utile, voir nécessaire de partager mon expérience et mon point de vue sur la psychologie et la psychothérapie.


Avec mes meilleures salutations,
Caroline Vigneron



* Contenu de la parenthèse modifié après envoi le 23-04-15